Pas facile, la vie professionnelle de femme dans un monde d'hommes, qui plus est ouvrier à tendance patriarcal. Et quand on attend un heureux événement, cela ne s'arrange pas vraiment.
Du fait de mon métier, j'ai du avoir un aménagement de poste dès que j'ai su que j'étais enceinte. J'ai donc du prévenir mon chef rapidement. Dans mon ancienne entreprise, mon patron, avec lequel les relations étaient déjà très difficiles, a mal pris la nouvelle et a osé me parlé comme à une ado qui aurait fait une bêtise. J'avais presque 30 ans.... Il n'avait (heureusement) aucune solution à me proposer et j'ai été arrêtée très rapidement.
Cette fois, cela s'est beaucoup mieux passé mais pour autant pas comme cela devrait être.
Quand je suis arrivée aux ST, notre ingénieur était unE ingénieurE. Si elle avait été encore présente, les choses ne se seraient pas passées ainsi.
Le jour de mon rendez-vous avec la médecine préventive, Grand-Chef était en vacances. Je suis donc allée voir son remplaçant, un des référents d'ateliers, beaucoup plus jeune et "moderne". Il m'a félicitée, demandée ce qui pourrait m'intéresser comme poste en attendant et dit que l'on trouverai une solution idéale pour tous. Le lundi suivant, Grand-Chef était de retour. Comme prévu, son remplaçant l'a tenu au courant de la situation. Le lendemain, j'étais convoquée dans le bureau de Grand-Chef, mon chef d'atelier avec moi, et dans son bureau était présent mon référent mais aussi les autres.... Je ne pensais pas que mon "cas" devait mobilisé autant de monde...
"Vous avez quelque chose à me dire?" Ouch! Comme une impression d'infantilisation. Il ne pouvait pas simplement dire: "J'ai appris la nouvelle, félicitations."? Non, Monsieur, je n'ai rien à vous dire! Et d'ailleurs, si j'avais le choix, je ne vous dirais rien avant ma famille et mes amis. Quant à l'avis de la médecine préventive qui m'interdit de travailler avec des produits toxiques: "on va y réfléchir".
Le lendemain, me revoilà dans le bureau de Grand-Chef avec mon référent et mon chef d'atelier. Passons sur les "Vous n'avez pas choisit le bon métier", "C'est peut-être l'occasion de faire une formation pour changer de secteur" (je ne savais pas que l'on pouvait obtenir une formation du jour au lendemain... Voilà trois ans que j'attends des suites pour mes demandes....), "Mon père était peintre en bâtiment et je ne suis pas devenu idiot à cause du white" et autres "La grossesse n'est pas une maladie" Qui a dit le contraire?
A l'écouter, il n'y avait pas d'autre poste pour moi. Autant dire qu'il n'allait pas se bouger pour me trouver autre chose dans un autre service, alors qu'il lui suffisait de se mettre en contact avec la médecine préventive. Fort heureusement, j'avais déjà réfléchit au problème et avait une solution qui convenait parfaitement à mon chef d'atelier.
Un accord permet aux agents de la fonction publique hospitalière de bénéficier d'une heure de moins en début ou fin de journée à partir du premier jour du troisième mois de grossesse, tant que cela ne nuit pas au bon fonctionnement du service. Dans tous les services, cette heure est accordée d'office ou presque.
Bien avant la date fatidique, j'en avais parlé à mon chef d'atelier qui gère nos plannings et n'y voyait aucun inconvénient. Le jour J, je lui en reparle. Pas de soucis, il verra avec Grand-Chef comment il le note sur le logiciel de présence (notre secrétaire était alors en congé mater).
Trois jours plus tard, convocation chez Grand-Chef (je n'y serais jamais autant allée que ces derniers temps). Pour commencer, on fait le pont sur la situation. J'ai de quoi m'occuper et aide au maximum mes collègues (cela confirmé par mon chef d'atelier) mais il ose me dire que si j'avais été en arrêt dès le début il aurait pu demander à me remplacer... Etonnant, quand quelques semaines plus tôt, les RH lui disaient qu'aucun remplacement ne serait envisagé et que ce n'est de toutes façons pas la politique de la maison depuis pas mal de temps déjà. Sinon, pour mon heure, il s'était renseigné auprès du pôle du personnel de notre service. D'après notre chargée des RH, il fallait une demande écrite. Soit. La majorité des chefs de service s'en passent mais Monsieur est bureaucrate. Je veux bien la lui faire. Par contre, d'après elle, il ne s'agirait pas d'une heure en moins mais de deux pauses d'une demi-heure à répartir dans la journée... Etrange. Je n'avais pas du tout ces informations. Je décide donc de me renseigner à nouveau autrement que via l'intranet avant de lui donner sa lettre. Et de fait, on me confirme mes renseignements, référentiel du temps de travail à l'appui. Quant à l'histoire des deux demi-heures: cela concerne l'allaitement.
Le lendemain matin, lettre en main, je passe voir Grand-Chef dans son bureau et lui explique les choses en quelques mots. "Je vais appeler pour dire qu'une responsable du pôle personnel ne fait pas bien son travail!" No comment.
Dans l'après midi, j'y retourne: "C'est bon, ou je dois prendre du temps pour aller chercher mon fils?" "Ah oui! Où ai-je mis votre courrier?..." Petit de jeu de Grand-Chef qui finit par me dire "Bon, je vous accorde votre heure". "Merci Monsieur" Monsieur est trop bon.
J'apprendrais quelques jours plus tard par notre secrétaire que quand elle était allée le voir pour son heure, il la lui avait accordée sans faire de chichi.
Avec certains de mes collègues, les relations ne s'arrangent pas vraiment non plus.
L'un ne comprend pas que j'aille déjeuner sans eux plutôt que d'attendre qu'ils aient fini leur "débriefing" dans les vapeurs de peinture et autres produits et de profiter de leur compagnie.
Un autre, parce que je ne peux m'occuper que des préparations, me laisse les faire s'en déchargeant au maximum, même quand il aurait le temps de s'en occuper. Rassurez-vous, je ne me laisse pas tondre non plus.
Heureusement, d'autres sont au petits soins! Mais quelque chose me dit que je ne suis pas au bout de mes surprises....